SOCIETE d’encouragement

Médaille décerné à François Aubinel

Domaine de celeYran à  salles d’aude

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MédaillesZone de Texte: Une médaille qui honore un homme, 
un domaine rural audois et son propriétaire.
Michel CAU
Note publiée dans le Bulletin de la Société d’études scientifiques de l’Aude
Tome  CXIII, 2013, page 139 & 140

Description de la médaille
A l'avers, on trouve au centre une déesse, personnifiant l'encouragement aux arts utiles, elle tient, dans chacune de ses mains, une couronne qu'elle destine aux hommes ayant, par leurs travaux, fait progresser les innovations technologiques. A gauche, le caducée des sciences médicales, une cornue pour les industries chimiques, à droite, un palan et un compas pour les industries mécaniques. On trouve en haut l'inscription : « SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT » ; et en bas : « Fondée le IX Brum(aire). An X 1802 ». 
Au revers , dans une couronne de lauriers une inscription en relief : « DÉCERNÉE A », puis au-dessous, gravé en creux sur neuf  lignes : « M. AUBINEL  (FRANÇOIS) / CONTREMAITRE CHEF M. TAPIE MENGAU /MEMBRE DU CONSEIL GENERAL DE L’AUDE / AGRICULTEUR À SALLES D'AUDE CON DE COURSON, ARRONDT DE NARBONNE (AUDE)  / – / INTELLIGENCE / ET MORALITÉ / –  /SÉANCE / DU 17 MAI 1854 ». On remarquera l'orthographe erronée de Courson au lieu de Coursan. De forme ronde, elle a un diamètre de 54 mm, elle pèse 76,42 gr, elle est en cuivre et porte un poinçon en forme de main.
Histoire
Cette histoire fait intervenir plusieurs éléments qui doivent être présentés séparément : La Société d'encouragement, le bénéficiaire, le domaine de Céleyran et son propriétaire M. Tapié-Mengau.
La Société d'encouragement
Fondée le 9 Brumaire An X de la République Française, soit le 31 octobre 1801, la Société d'encouragement pour l'industrie nationale est une association, la première à être reconnue d'utilité publique. Elle est créée par des hommes désireux, après les troubles révolutionnaires, d’engager la France dans la Révolution industrielle, alors en marche outre-Manche.  Elle a pour premier objet d'encourager le développement de la production industrielle grâce aux innovations technologiques. Pour cela, elle distribue des prix, sous forme de sommes d'argent et de médailles. Si l'industrie est privilégiée dans ses actions, l'agriculture n'est pas oubliée. Elle veut également développer les techniques permettant de valoriser la production agricole. Elle a son siège actuellement à Paris, place Saint-Germain-des-Prés, et après 210 années d'existence, elle poursuit son action au service de l'innovation technologique. Depuis sa création, elle publie un bulletin qui relate ses travaux. Celui de janvier 1854 rend compte de l'attribution de la présente médaille à M. Aubinel.
Le bénéficiaire François Aubinel
François Aubinel est né en 1802, il est régisseur du domaine de Céleyran depuis 1830 et au service de M. Tapié-Mengau depuis 24 ans. Il a 52 ans, lorsqu'il est honoré par la prestigieuse Société d'encouragement. Il vit dans une dépendance du château où réside le maître, il se marie avec une femme de 19 ans son ainée, Marianne Marc, veuve Laffont ; puis il épouse après son décès, Marie Jaufreu, âgée de 22 ans. Le domaine de Céleyran, dont il assure la direction, en raison de son importance, requiert des qualités hors du commun. C'est cela qui explique la distinction dont il est l'objet. Dans le compte rendu de la séance du 17 mai 1854 de la Société d'encouragement, on peut lire : "M. Aubinel (François) est contre-maître-gérant pour la direction des travaux agricoles des domaines de M. Tapié-Mengau, membre du Conseil général de l'Aude. M. Aubinel a consacré vingt-deux ans à des améliorations agricoles, il a appris le dessin, le cubage, l'arpentage, etc. et il a appliqué ses connaissances à augmenter la valeur des produits des terres qui lui sont confiées". Pour se rendre compte de l'importance de sa fonction, il faut décrire le cadre de son exercice, le domaine de Céleyran.
L'arène du combat
On dispose d'un document de 1859 qui décrit avec précision le domaine de Céleyran à Salles-d'Aude. Il s'agit du rapport présenté par le jury du concours régional agricole de Carcassonne, au nom de la commission chargée de visiter les exploitations du département concourant à la prime d'honneur. On se reportera à ce rapport pour plus de détails, mais en voici les principaux éléments importants : le domaine a une superficie de 560 hectares, dont 160 en vignes ; en 1820, lors de sa prise en main par M. Tapié-Mengau, la surface en vignes suffisait à peine à la consommation de la maison. 156 hectares de terres fertiles produisent des racines, des céréales, des luzernes. Selon le rapporteur : "C'est chez M. Tapié-Mengau que se voient les plus beaux et les plus vastes celliers de tout le Midi". Il faut dire que la production de vin atteint à Céleyran en 1859, plus de 12.000 hectolitres. Pour les travaux, les écuries renferment 80 chevaux ou mulets et 12 bœufs. Un troupeau de 1200 bêtes, logé dans de confortables bergeries, complète ce cheptel. Il existe à Céleyran des plantations de muriers et d'oliviers. On élève des vers à soie à raison de 18 onces de graines. Un troupeau de chevaux de Camargue complète les effectifs des animaux, ils sont utilisés uniquement pour le dépiquage des blés. Les trente années de la gestion de M. Aubinel, toujours selon le rapporteur, ont permis une augmentation du revenu des trois quarts. Il faut ajouter qu'il fut lauréat de la prime d'honneur du concours régional agricole de Carcassonne en 1859.
Le propriétaire
Gabriel Tallavignes nous retrace l'histoire du domaine de Céleyran depuis le Moyen-âge. Il nous dit qu'il s'agit d'un domaine longtemps partagé entre deux autorités seigneuriales : l’une  ecclésiastique et l'autre laïque. A la suite de nombreuses successions ayant divisé Céleyran, la famille Mengau de La Redorte, réunit le domaine au XVIe siècle. Esprit Tapié (1781-1866), fils de Marc Tapié et d’Elisabeth Algan, fut adopté par son oncle Jacques Mengau, seigneur de Céleyran, qui lui légua ses biens. Il prit le nom de Tapié-Mengau et sa descendance celui de Tapié de Céleyran. Sous la direction de Francis Poudou,  l'ouvrage réalisé sur le canton de Coursan, présente une synthèse de l'histoire des propriétaires de Céleyran, depuis l'achat, en 1695, par Cyprien de Mengau, jusqu'à nos jours. Il souligne les liens de parenté de cette famille avec le peintre Toulouse-Lautrec, mais aussi la possession éphémère du château, dans les années 1900,  par Thérèse Humbert, auteur de ce que les journaux de l'époque baptisèrent « l'escroquerie du siècle ». Pour terminer, et revenir au propriétaire du domaine ayant permis à François Aubinel d'être honoré, il faut dire que Tapié-Mengau était sous la Restauration, le contribuable le plus imposé de tout le département de l'Aude. Il fut maire de Salles-d'Aude en 1837, puis conseiller général jusqu'à sa mort.